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Pourquoi la SNCF doit se transformer (La Tribune des Echos - 10/04/2018 p. 11)

Le point de vue de Louis Nègre



L'industrie ferroviaire française, qui rassemble environ 1.500 entreprises et plus de 30.000 salariés directs, est très directement concernée par la réforme de la SNCF et, au-delà, par l'avenir du transport ferroviaire en France. Ce qui va se décider conditionne, de fait, largement son avenir.

La Fédération des industries ferroviaires (FIF) s'inscrit pleinement dans la discussion engagée à la suite du rapport Spinetta et du projet de loi «pour un nouveau pacte national pour le ferroviaire». Elle souhaite contribuer à ce débat majeur.

La concurrence dans le transport de voyageurs, au vu de la situation dégradée que subissent malheureusement les usagers et à l'instar des exemples positifs à l'étranger, est une vraie opportunité pour améliorer la qualité de service et diminuer les coûts qui pèsent sur les clients et les contribuables.

La filialisation du fret ferroviaire est une nécessité pour relancer cette activité déclinante, actuellement «parent pauvre» du groupe SNCF. Enfin, le désendettement de SNCF Réseau, sans lequel il sera extrêmement difficile d'enrayer une spirale de déclin du transport ferroviaire en France, est également une priorité.

Ce «dernier fardeau» génère des charges financières excessivement lourdes qui obèrent une grande partie de la capacité d'investissement du réseau, renchérissent les redevances d'usage des infrastructures et donc les tarifs, pour les trains de la SNCF, comme de ses concurrents. C'est un cercle vicieux par excellence !

La SNCF doit devenir progressivement une entreprise publique, moderne, adaptée à l'économie du XXIe siècle. Pour cela, il est nécessaire de s'affranchir de nos tropismes gaulois pour rappeler les réussites d'autres Etats membres, aussi légitimes que la France pour parler du ferroviaire.

Tout n'est pas parfait parmi les pays qui nous entourent, mais certaines expériences peuvent servir à éclairer la voie à suivre sans se résigner trop rapidement à sa perte de pertinence de notre écosystème ferroviaire, à ses dysfonctionnements, voire à son déclin. L'Allemagne a des résultats beaucoup plus flatteurs que ceux de la France en matière de fret ferroviaire, alors que la concurrence de la route y est aussi forte qu'en France.

De son côté, l'Italie a ouvert à la concurrence certaines de ses LGV, sans que l'arrivée de la compagnie privée NTV ne provoque l'effondrement de la compagnie historique FS/Trenitalia. L'Angleterre a fait des erreurs au début des années 1990, mais désormais ce pays atteint des niveaux de sécurité supérieurs aux nôtres !

Ajoutons que, dans aucun de ces pays, l'ouverture à la concurrence n'a suscité l'hostilité idéologique qu'inspire celle-ci à certains syndicats de cheminots français alors même que notre modèle ferroviaire est à bout de souffle.

Sur un autre sujet tout aussi sensible, celui des petites lignes, le pire n'est pas toujours sûr. Avec l'ouverture à la concurrence en Allemagne, on a ainsi vu que des lignes secondaires, qui avaient été fermées par l'opérateur historique allemand DB, ont pu être rouvertes avec succès !

Le ferroviaire est moins que jamais ringard. Le train ne sera pas remplacé par les «nouvelles mobilités», bien au contraire. Il doit se réinventer pour devenir la colonne vertébrale de l'intermodalité et de la complémentarité des différents modes à condition toutefois de ne pas retomber dans le «syndrome culturel français de la ligne Maginot», c'est-à-dire celui du repli sur soi et du malthusianisme.

Si l'on veut «sauver le soldat SNCF», il nous faut aller de l'avant. Les autres pays, tout en conservant leur opérateur historique, ont réussi cette transformation pour le plus grand bien de leurs citoyens et, en priorité, de leurs voyageurs. En serions-nous incapables ?


Louis Nègre est président de la Fédération des industries ferroviaires (FIF)