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La transformation numérique de la filière ferroviaire est en marche (Mobilicités - 18 novembre 2015)

L'Association française des utilisateurs du net (Afnet) a organisé, le 18 novembre 2015, un séminaire sur le thème "Booster la transformation numérique des filières industrielles". Une table ronde était consacrée au ferroviaire. Tour d'horizon des initiatives digitales dans le chemin de fer.

De l'ingénierie à la maintenance en passant par la supply chain, il reste encore beaucoup à faire pour que le ferroviaire mette en place la transformation numérique de la filière à l'image de ce qui se passe dans l'aéronautique et la défense avec BoostAerospace. Les initiatives existent pourtant. Car il y a urgence à trouver des solutions qui permettent d'améliorer la productivité et de baisser les coûts. "Le chemin de fer est en grave danger en Europe et en France", a rappelé Alain Bullot, délégué général de Fer de France en introduction.

Pour Airy Magnien de l'Union internationale des chemins de fer (UCI), "les enjeux dépassent les aspects de données". Il a identifié que la digitalisation de la filière couvre quatre domaines : le fonctionnel et les processus, la sécurité et la sûreté, le traitement de l'information, la modélisation et les échanges de données. 

Pour une autorité des standards

Alstom, par exemple, travaille sur la gestion de la chaîne logistique depuis 2008 avec la mise en place d'une professionnalisation du métier de supply chain, de processus standard et d'une plateforme collaborative de sorte que 80% des flux avec les fournisseurs sont désormais dématérialisés. Malgré cela, "trop d'échanges ne sont pas automatisés et dématérialisés. Cela génère des erreurs, des retards...", a admis Annie Saillard, directrice Supply Chain d'Alstom Transport.

Elle attend encore une structuration de la filière, une simplification des échanges au-delà du contractuel mais aussi l'instauration d'une autorité sur les standards actuels et futurs. L'objectif ? Développer l'agilité de la gestion de la chaîne logistique en intégrant les contraintes des fournisseurs. "Il s'agit de mesurer la fébrilité de notre demande et d'absorber les à-coups inhérents à notre métier", a expliqué Annie Saillard.

Un casse-tête pour les PME

Pour les nombreuses petites PME de la filière, l'absence de standardisation d'échanges qui se font encore par courrier papier, e-mail, documents PDF et via un portail, génère le travail d'une personne à temps plein pour récupérer les éléments, les trier, les valider..., selon Jean-Pierre Auger, conseiller industriel à la Fédération des industries ferroviaires (FIF). C'est pourquoi la FIF travaille dans le cadre des programmes d'investissement d'avenir sur un outil simple qui permette d'homogénéiser les échanges avec les donneurs d'ordre. Le démonstrateur développé avec Alstom, Bombardier, la SNCF et une poignée d'industriels situés dans le Nord de la France devrait être mis en place début 2016. Il s'agira de le tester pour mesurer son efficacité, puis de le déployer.

Établir une sémantique commune

Côté infrastructure, pour réaliser un descriptif du réseau jusqu'à la gestion des balises qui communiquent avec le train, il est nécessaire que tous les acteurs parlent le même langage, a expliqué Alain Jeanmaire de la direction de l'ingénierie de la SNCF. Ainsi, depuis 2013, SNCF Réseau travaille avec ses homologues européens à la mise en place d'une sémantique commune, RailML3, un programme porté par l'UIC qui devrait voir le jour en mars 2016. Ce travail servira de base pour ensuite mettre en pratique un langage d'échange de données élaboré.

Un référentiel pour la documentation

Dans l'ingénierie aussi, des avancées ont été réalisées. "La première marche de progrès significative remonte à la mise en service du Francilien en 2009", explique Mohammed Hosni de la direction du matériel à la SNCF. Il existe aujourd'hui un échange de données d'ingénierie d'Alstom (Regiolis) et de Bombardier (Regio 2N) qui permettent de développer des schémas de maintenance. Des progrès ont également été réalisés sur la documentation de maintenance. Les premières standardisations remontent à 2004 avec l'AGC (Bombardier) et, les AGV et Euroduplex (Alstom). Maintenant, la SNCF cherche à normaliser les échanges de modules de documentation avec les constructeurs, et pousse à un travail sur un référentiel.

Une mentalité ICPP

Pour autant, il n'y a toujours pas de standardisation des process. "Chacun travaille avec ses outils, c'est le problème de la filière", a déploré Damaury Cannonne de l'ingénierie matériel roulant chez Bombardier. "Pour réussir la digitalisation et aboutir à la standardisation des process, il y a un énorme travail à faire en interne. Il faut mener une révolution de la pensée, culturelle et managériale", a admis Valérie Bourgoin de la direction de l'ingénierie à la SNCF. Bref, il faut encore parfois rompre avec la mentalité "ICPP" (Ici, c'est pas pareil) ou C'est pas notre idée...

En conclusion, Pierre Faure, président de l'Afnet et fondateur de BoostAerospace, a invité la filière à ne pas hésiter à s'approprier les plateformes numériques mises en place au lieu de repartir de zéro : "les outils numériques utilisés dans l'aéronautique sont certainement adaptables dans le ferroviaire, et c'est gratuit !".

Florence Guernalec