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L’Allemagne, au deuxième rang mondial (Le Rail – Mars 2013 – p. 16-17)



L’Industrie ferroviaire allemande est puissante et bien structurée. Bien plus que l'industrie ferroviaire française. La réunification allemande réalisée à la fin des années 1990 a donné un coup de fouet à cette industrie du fait de la remise à niveau nécessaire des équipements de l'ex-RDA. Mais cela n'explique pas tout. C'est surtout la structure de cette industrie qui en fait aujourd'hui l'un des fers de lance de l'économie allemande. Si la France compte près de 1200 entreprises dont une partie du chiffre d'affaires est réalisée dans le secteur du rail, bien peu sont celles qui affichent un résultat annuel supérieur ou égal à 50 M.€. En Allemagne, une vingtaine d'entreprises ferroviaires annoncent un chiffre d'affaires annuel de plus de 100 M.€ et une centaine entre 50 et 100 M.€. Ce constat établi il y a peu par Jean-Pierre Audoux, délégué général de la FIF, explique à lui seul l'un des points forts de ce secteur industriel d'Outre-Rhin.

La deuxième puissance ferroviaire Aujourd'hui, l'industrie ferroviaire allemande réalise un chiffre d'affaires global de plus de 10 milliards € par an pour un secteur qui emploie près de 50 000 personnes. Soit l'équivalent des industries française et italienne réunies... A elles seules, les exportations allemandes représentent l'équivalent de l'ensemble de la production ferroviaire française, soit près de 6 milliards €. En 2003 et 2004, l'industrie ferroviaire allemande pesait déjà pour 9,9 milliards € dans l'économie nationale dont 45% réalisés à l'export. Certes en 2004, il avait fallu réduire les effectifs globaux de 2 000 postes. En 2005, le secteur annonçait un nouveau plan de réduction de 4 000 postes. Mais le dynamisme de l'activité ferroviaire intérieure conjugué aux commandes des Régions et des nouveaux entrants dont le nombre dépassent aujourd'hui les 360, avaient aidé ce secteur à surmonter ces difficultés.

 De plus, à la suite de multiples problèmes rencontrés durant la période hivernale de décembre 2010 à janvier 2011, la DB avait décidé d'investir 44 milliards € dans l'infrastructure et l'acquisition de nouveaux trains. Par sa part, Siemens s'était ainsi vu confirmer en 2011 une commande de l'ordre de 5,5 milliards € pour la livraison de 220 ICx qui ont été mis en service à compter de 2011. Quant à Bombardier Transport, le constructeur canadien assure 50% des emplois de l'industrie ferroviaire allemande. C'est dire si sur ce marché, le constructeur est présent. Ce n'est d'ailleurs pas un hasard si sa direction européenne se situe à Berlin.

Une concurrence inégale Reste que l'Allemagne, tout comme la France, s'interroge sur l'avenir de son industrie ferroviaire, face notamment à la forte poussée exercée par les industriels asiatiques au premier rang desquels les Chinois. Les deux organismes professionnels qui chapeautent dans chaque pays les principales entreprises - la FIF en France et la VDB en Allemagne - avaient dès 2010 demandé, par exemple, à ce que les entreprises japonaises ne puissent plus soumissionner aux appels d'offres lancés par des entités publiques européennes, en s'appuyant sur l'article 58 de la directive 2004/77/EC. Il aura fallu attendre deux années pour que les portes du marché ferroviaire japonais s'entrouvrent et que cela se concrétise tout récemment par la présélection d'Alstom et de Thales pour un contrat de 40 M.€ portant sur la nouvelle signalisation ferroviaire d'un tronçon de 30 km de la ligne Joban à Tokyo exploitée par JR East. Il est vrai que l'entreprise Hitachi qui a déjà remporté au Royaume-Uni un contrat de 5,2 milliards € pour la livraison de 530 voitures (le contrat Agility Trains) se présente sur un appel d'offres de la DB concernant 60 rames S-Bahn de Hambourg. Le président de la DB avait dans nos colonnes confirmé sa volonté d'ouvrir le marché allemand aux entreprises ferroviaires étrangères mais la levée de boucliers, notamment de Siemens, avait obligé la DB à durcir sa position vis-à-vis du Japon.

 Un Airbus du rail ?

L'autre initiative portée par un groupe de députés français puis par la FIF et VDB visant à créer en Europe, sur le modèle d'EADS, un "Airbus du rail" n'a pas, par contre, rencontré l'écho attendu. Il était alors question de défendre les intérêts des grands constructeurs ferroviaires. Depuis le lancement de cette initiative en 2011, force est de reconnaître que plus personne n'évoque cet "Airbus ferroviaire". Pour autant, le libre accès au marché ferroviaire européen finira par poser problème tant aux opérateurs qu'aux industriels du vieux continent, mis à mal par une politique des prix agressive en provenance des entreprises asiatiques (chinoises, sud-coréennes ou japonaises). Il était alors envisagé de mettre en place dès 2012 un Fonds de modernisation des équipementiers ferroviaires (FMEF) financé à parité par l'Etat (la France en l'occurrence), Alstom, Bombardier et Siemens. Depuis lors, silence radio sur cette question qui en a embarrassé plus d'un. La question est toutefois posée et a le mérite d'ouvrir le débat sur les moyens pour les constructeurs occidentaux de résister à l'avancée inexorable du rail chinois.

Coopérer ou se concurrencer ?

Certains prônent dans un premier temps une mutualisation des capacités d'étude des grands groupes en attendant des avancées concrètes en matière de rapprochement industriel. Pas sûr que l'idée fasse l'unanimité, à moins que les gouvernements exercent une pression dans ce sens sur lesdits groupes. L'heure est encore à la concurrence industrielle et non à la coopération. Chaque groupe espère survivre à ses concurrents immédiats en oubliant que des milliers d'emplois sont en jeux sur le continent, sans parler de l'indépendance technologique chère aux yeux des gouvernements soucieux de maintenir un tissu industriel vieux de presque deux siècles et qui a participé au développement économique et social du Vieux continent.